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26 juillet 2009 7 26 /07 /juillet /2009 17:30

 

            Décentralisation et paupérisation sont les deux termes du sujet qui sont souvent associés, et qui le seront davantage encore à l'avenir.

 

1)        Faisant exception en Europe, où le modèle fédéral est majoritaire, la France est un Etat unitaire décentralisé. Principe rappelé par l'article 1er issu de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, laquelle a enrichi le bloc de constitutionnalité du droit des collectivités locales (qualifiées désormais de collectivités territoriales).

La décentralisation implique, comme le suggère l'architecture constitutionnelle des articles 72, 72-1 et 72-2 de la Constitution :

-       l'exercice de compétences propres (souvent d'ailleurs partagées avec d'autres niveaux de collectivités locales ou avec l'Etat, rendant difficile la définition des affaires locales ; le principe de subsidiarité étant par ailleurs évoqué).

-       l'élection des gouvernants locaux, composante démocratique de la décentralisation (démocratie dite représentative), complétée en 2003 par quelques éléments de démocratie participative (le référendum local, le droit de pétition)

-       une composante financière, c'est-à-dire des ressources propres, suffisantes pour permettre l'exercice des compétences exercées, suffisamment élastiques, et que maîtrisent les assemblées territoriales (en votant le taux des impôts locaux, en instituant des taxes facultatives, en aménageant le régime des impôts locaux au moyen d'incitations, d'exonérations etc.).

          Or la composante budgétaire de la décentralisation n'a jamais été une priorité pour l'Etat. La fiscalité directe locale repose sur les quatre vieilles, qui furent les impôts d'Etat institués au lendemain de la révolution française, réaménagées en 1973 et 1975. La réforme de la décentralisation issue de la loi du 2 mars 1982 n'a comporté aucune loi spécifique aux finances locales, et n'a jamais réformé la matière. L'acte II de la décentralisation n'a pas abordé la question des finances locales, vue sous l'angle d'une nouvelle assiette de la fiscalité directe locale.

          D'où un scepticisme sur les motifs de la décentralisation. La subsidiarité est une idée floue qui, dans le cas français, n'a jamais freiné la centralisation. La démocratie locale a toujours répugné à développer les techniques de démocratie participative. L'Etat décentralisateur est avant tout cynique, préoccupé seulement par son intérêt. E. Faure constatait, il y a déjà un demi-siècle, que la décentralisation est avant tout la décentralisation du déficit de l'Etat vers les collectivités locales.

 

2)        La paupérisation des collectivités locales a toujours accompagné la décentralisation, et ne pourra que croître compte tenu :

-       du nombre de petites communes, dont la petite dimension ne garantit pas la viabilité

-       du sous-dimentionnement des régions françaises, à l'exception de trois (Ile-de-France, Provence Côte d'Azur, Rhônes-Alpes), comparativement à leurs homologues des Etats voisins.

-       de leur dépendance chronique à l'égard de l'Etat, sous tous les aspects, puisque leur libre administration se réduit à une règle de compétence, celle du législateur pour organiser leur régime juridique.

-       de la persistance de la crise des finances locales dans le temps

-       des déficits abyssaux du budget de l'Etat, qui réduit de façon drastique ses dépenses publiques, sans assainir ses finances, au détriment des dotations allouées aux budgets locaux.

-       des inégalités accrues résultant des actes I et II de la décentralisation, et que peine à réduire la péréquation (la décentralisation est un facteur d'inégalités territoriales).

-       d'une conjoncture économique en récession, aggravée et alimentée par la crise financière, qui appauvrit les acteurs économiques et les particuliers (les prêts bancaires aux collectivités seront plus rares et plus chers).

 

            Dans ce contexte, la paupérisation des collectivités locales est une évidence, sans que des perspectives d'amélioration raisonnablement optimistes puissent être envisagées.

 

 

 

I)              La pauperisation croissante des collectivites locales

 

-    parce que l'essoufflement des ressources locales parvient de moins en moins à financer l'irrésistible ascension des dépenses locales.

 

 

A.   L'irresistible croissance des depenses locales

 

1)            La croissance des dépenses publiques est un constat sociologique qu'avait identifié Adolf Wagner, à la fin du 19e siècle, dont les causes sont multiples et contre laquelle les politiques des pouvoirs publics sont largement inefficaces.

 

2)            Les collectivités locales sont largement impuissantes face à l'augmentation de leurs dépenses. Les transferts de compétences ont été réalisés par la loi, sans que la compensation financière ait été exactement évaluée par la loi (un progrès résulte de la rédaction de l'article 72-2 qui prévoit désormais l'exacte compensation, qui pourra être contrôlée par le conseil constitutionnel). Les dépenses de santé, liées notamment au vieillissement de la population, absorbent plus de la moitié des ressources départementales et ne peuvent être contrôlées. Les politiques du développement durable impliquent des efforts budgétaires considérables. Le désengagement de l'Etat dans tous les domaines contraint les collectivités à intervenir, et l'on sait par exemple que plus de 70% des investissements civils sont financés par les collectivités locales. Le coût de l'immobilier et celui de la construction pèsent lourdement sur les finances locales, ainsi que celui du transfert de personnel aux départements. La dépendance des collectivités locales à l'égard des délégataires de service public ou dans le cadre de partenariats se traduit par des coûts élevés pour les collectivités.

            Les coûts issus de la multiplication des intercommunalités aux périmètres superposés et plus ou moins cohérents ont été dénoncés par la cour des comptes, ainsi que l'inefficacité des aides au développement économique allouées par les collectivités locales.

 

3)            Les contraintes pèsent sur le volume des dépenses locales. La loi impose des dépenses obligatoires dont l'inscription au budget local constitue l'un des quatre cas du contrôle budgétaire exercé par le préfet avec l'assistance des chambres régionales des comptes.

            En revanche, il convient de mentionner d'autres contraintes légales qui réduisent la progression des dépenses locales : la notion d'affaire locale qui limite l'objet de la dépense ; l'exigence d'équilibre réel de la décision budgétaire (budget primitif et décision modificative) qui plafonne le volume des dépenses au montant des ressources locales ; l'interdiction de financer des dépenses de fonctionnement par l'emprunt, comme l'Etat le fait depuis toujours. Mais ces contraintes ne permettent pas d'endiguer le volume des dépenses locales.

 

 

B.      L'ESSOUFFLEMENT DES RESSOURCES LOCALES

 

            Il caractérise l'ensemble des ressources locales.

 

 

1)            L'archaïsme de la fiscalité directe locale, fondée sur la valeur locative cadastrale des immeubles pour le calcul des deux taxes foncières et de la taxe d'habitation. Une autre assiette reste à trouver, mais l'Etat n'entend pas partager le produit des grands impôts à fort rendement (TVA, IR, IS). Au demeurant, la fiscalité directe locale a augmenté fortement, mais les besoins de financement des collectivités locales sont supérieurs. Les collectivités locales ne bénéficient d'aucun impôt sur la dépense d'un rendement comparable à la TVA depuis la suppression de la taxe sur les ventes au détail résultant de l'institution de la TVA.

 

2)            Réduction des dotations versées par l'Etat, lequel entend associer les collectivités locales à l'effort d'assainissement des finances publiques. L'Etat entend abandonner toute indexation de ces dotations sur le PIB, au nom de la RGPP (révision générale des politiques publiques). Cette révision mise en place pour l'Etat se traduit par moins de services publics pour les usagers et moins de dotations pour les collectivités locales.

 

3)            Le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée (3,5%), décidé par l'Etat en vue de favoriser la compétitivité des entreprises, limitera à l'avenir le financement des intercommunalités dont elle constitue une ressource majeure. L'Etat a annoncé imprudemment en 2008 la suppression de la taxe professionnelle, sans indiquer quel impôt local la remplacerait.

 

4)            La crise économique a diminué le produit de certains impôts indirects locaux, comme les droits d'enregistrement sur les ventes d'immeubles et la fiscalité sur les carburants, en raison de la crise de l'immobilier et de la réduction de leurs déplacements par les automobilistes.

 

-         La péréquation (redistribution de taxe professionnelle ou de dotations en faveur de collectivités déshéritées) a toujours été négligée, en dépit de l'accroissement des inégalités territoriales et de sa constitutionnalisation par l'acte II de la décentralisation.

 

-         L'emprunt local entraîne des difficultés pour les collectivités dont on mesure mal l'ampleur aujourd'hui, en raison d'une ingénierie fondée sur des taux très bas les premières années et qui s'emballent par la suite, générant des situations de collectivités surendettées. En outre, Dexia (ex Crédit local de France, premier prêteur aux collectivités locales), en quasi situation de cessation de paiement en octobre 2008, a été recapitalisé (et donc nationalisé) par l'Etat. L'emprunt local devient plus rare et plus onéreux et il y a fort à parier que les remboursements des emprunts antérieurs affaibliront les finances des collectivités qui avaient parié sur les ingénieries sophistiquées. Certaines collectivités cherchent à renégocier leurs emprunts à taux variables (Laval, Tulle), d'autres se félicitent d'avoir emprunté à taux fixe (v. Gaz Cnes du 20/10/2008 "facture salée pour certaines collectivités").

 

-         Certains élus locaux considèrent que le bouclier fiscal (les impôts directs principaux doivent être inférieurs à 50% des revenus du contribuable (60% autrefois), ouvrant droit à un remboursement au profit du contribuable, appauvrit notamment les finances locales puisqu'il débouche sur des remboursements de trop-perçus de taxes foncières ou de taxe d'habitation.

 

-         A noter que la légalité de l'impôt réserve à l'Etat le pouvoir d'instituer des impôts, de les réformer etc. et que l'Etat décide librement de déléguer ou non, sous conditions, une partie de son pouvoir fiscal aux collectivités locales.

 

            En définitive, la paupérisation est bien présente dans les collectivités locales comme pour les particuliers. Reste à savoir s'il existe des perspectives d'amélioration réalistes pour les finances locales.

 

 

 

II)         Des perspectives d'amélioration hypothetiques

 

 

            Puisque les collectivités locales ne peuvent ni vivre à crédit en finançant leurs dépenses de fonctionnement par l'emprunt, ni créer de nouveau impôts en dehors d'une délégation de la loi, ni réduire leurs dépenses de par le déterminisme de la loi de Wagner, subsistent deux solutions, cumulables

-       soit opérer une restructuration territoriale, pour limiter le nombre et le volume des budgets locaux

-       - soit réaliser des économies de gestion

 

A.     La reforme de la structuration et des competences locales

 

            Les réflexions autour de la restructuration territoriale s'orientent autour de plusieurs directions :

 

1)            La spécialisation des compétences locales par niveau de collectivités. Proposition issue du rapport Lambert, qui remettrait en cause la compétence par définition générale des collectivités locales, dans un souci d'économie et de clarification.

2)            La suppression du département collectivité locale : proposition du rapport Attali, sans cesse relancée, mais qui ne paraît guère réaliste compte tenu des compétences étendues du département en matière de solidarité et en matière sociale (v. fiche, Faut-il supprimer le département ?), compétences qu'il faudrait précisément renforcer aujourd'hui.

3)            La réforme de la région, collectivité territoriale, qui pourrait être selon certains une sorte d'association de départements oeuvrant pour des projets communs. Proposition incompatible avec la précédente, qui renoue avec ce que fut la région en application de la réforme voulue par le président Pompidou en 1972. proposition à contre courant du rôle dévolu aux régions ou aux collectivités comparables chez nos voisins.

A noter qu'en matière de déconcentration, l'Etat a retenu l'échelon régional et reconnaît un pouvoir de direction et de contrôle au préfet de région sur les préfets de départements.

4)            La rationalisation de la carte des intercommunalités souhaitée par la cour des comptes et dont la réalisation serait dévolue aux préfets, compétence de l'incohérence des périmètres, de la superposition des intercommunalités et des chevauchements de compétences. Une réforme viserait à intégrer les "villages gaulois" dans les EPCI et à fusionner les EPCI.

 

 

 

 

B.      La recherche de nouveaux modes de gestion des competences locales

 

-            par la mutualisation des services de l'intercommunalité et de la commune centre

-            par une démarche LOLF qui permettrait d'améliorer l'efficacité de la dépense publique

-            par l'externalisation des compétences, au moyen de délégations de services publics ou de partenariats publics-privés (mais la banalisation de cette procédure a été censurée par le conseil constitutionnel pendant l'été 2008).

-            par un allégement des contraintes de la fonction publique et le recours au contrat de droit privé dans la fonction publique (en ce sens, le rapport Silicani, de février 2008)

-            par un contrôle de l'exacte compensation du coût des compétences transférées par l'Etat, exercé par le conseil constitutionnel

-            par la mise en œuvre des principes de la fiscalité énoncés par la constitution. La fiscalité locale doit être partagée avec l'Etat (idée nouvelle et partiellement appliquée à propos de la taxation des carburants et des contrats d'assurance). Elle peut être déléguée par l'Etat (multiplication ces dernières années de taxes facultatives, créées par la loi, mais mises en œuvre dans chaque collectivité par des délibérations de l'assemblée territoriale). Enfin, la fiscalité locale doit être protégée contre l'Etat, qui a eu tendance à remplacer les impôts locaux par des dotations dont il contrôle le versement.

 

            Autant de solutions possibles mais qui paraissent insuffisantes au regard du volume des dépenses locales.

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