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-         Question fondamentale dans la mesure où la constitution est le texte fondamental dans un Etat, qui détermine le statut du pouvoir dans l'Etat, ainsi que ses valeurs. Elle est donc placée au sommet de la hiérarchie des normes. Cette prééminence est garantie, dans un grand nombre d'Etats, par une juridiction constitutionnelle qui exerce le contrôle de constitutionnalité des lois.

-         Le droit communautaire a débuté par les traités institutifs qui ont vocation à devenir la constitution d'une Union européenne qui pourrait emprunter le modèle fédéral. En outre, le droit communautaire prime les droits nationaux, cette primauté s'imposant, selon la cour de justice, à toutes les normes nationales, fussent-elles de valeur constitutionnelle.

-         Chaque Etat détermine, dans sa constitution interprétée par les juridictions nationales, la place des normes communautaires dans la hiérarchie des règles de droit. Les solutions peuvent varier d'un Etat  à l'autre (l'Allemagne reconnaît la supériorité des règles communautaire sur la constitution, alors que le France n'a jamais accepté cette supériorité).

            La constitution française, reconnaît expressément sa participation aux communautés européennes et détermine la place qu'occupe le droit communautaire dans sa hiérarchie des règles de droit.

 

 

 

I)      La reconnaissance constitutionnelle de la participation de la France aux communauté européennes

 

La constitution du 4 octobre 1958 ne peut pas ignorer la construction communautaire, puisque inévitablement des compétences nationales autrefois exercées souverainement sont dévolues aux autorités communautaires (au conseil des ministres, au Parlement européen). Cette reconnaissance résulte de l'article 88-1 de la constitution. Les articles 88-1 à 88-4 ont été profondément modifiés par la révision constitutionnelle du 1ier mars 2005 afin de mettre en conformité notre constitution avec le traité établissant une constitution pour l'Europe. Mais les nouveaux articles 88-1 à 88-7, qui devaient entrer en vigueur à compter de l'entrée en application du traité établissant la constitution de l'Europe, demeurent inappliqués. C'est une situation curieuse puisqu'une révision constitutionnelle adoptée voici plus de deux ans reste en sommeil.

            Dans le titre XV de la constitution intitulé des communautés européennes et de l'Union européenne, les articles 88-1 à 88-5 sont riches d'enseignements sur la façon dont la France considère la construction européenne. Deux idées essentielles s'en dégagent.

 

 

A)    La France a accepté volontairement de participer aux communautés européennes et à l'Union européenne (art. 88-1)

 

Cette disposition dénie à la construction communautaire tout caractère supranational qui lui serait inhérent et qui absorberait mécaniquement, inévitablement, les compétences nationales. Autrement dit, l'Europe existe parce que la France le veut bien, parce qu'elle a décidé d'y participer. Elle aurait pu décider le contraire et peut refuser d'aller plus avant dans l'intégration. L'Europe n'exerce que des compétences  que les Etats ont choisi librement d'exercer en commun (sous entendu : pas de supranationalité, mais une coopération entre Etat fondée sur le volontariat).

La rédaction de l'article 88-1 Const. qui a été conservée dans le nouveau texte en attente d'application, montre bien que pour la France, l'Europe est fondée sur la volonté des Etats. Cette conception est totalement différente de celle exprimée par la cour de justice dans l'arrêt de principe du 5 février 1963 Van Gend en Loos "attendu que l'objectif du traité CEE, qui est d'instituer un marché commun dont le fonctionnement concerne directement les justiciables de la communauté, explique que ce traité constitue plus qu'un accord qui ne créerait que des obligations nouvelles entre Etats contractants... ; la communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international au profit duquel les Etats ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les Etats membres, mais aussi leurs ressortissants".

Cette sur la base de cet article 88-1 que le conseil constitutionnel fonde l'obligation pour la France de transposer les directives communautaires. La participation aux communautés et à l'Union européenne a conduit la France à reconnaître le droit de vote et l'éligibilité aux ressortissants de l'Union, excepté pour les fonctions de maire ou d'adjoint et pour les élections sénatoriales (art. 88-3 Const.).

 

 

B)     La constitution française accepte et fixe les conditions des transferts de souveraineté (art. 88-2 Const.)

 

-         Uniquement dans des matières définies par l'article 88-2 (établissement de l'Union économique et monétaire, franchissement des frontières extérieures , libre circulation des personnes, mandat d'arrêt européen) et dans l'article 88-2 résultant de la révision de mars 2005.

-         Sous condition de réciprocité (sous entendu de la part des autres Etats)

-         Dans les conditions prévues par les traités communautaires

-         Tout transfert de souveraineté réalisé par un traité impose une révision préalable de la constitution s'il y a incompatibilité (le conseil constitutionnel identifiera les dispositions constitutionnelles incompatibles qu'il conviendra de réviser préalablement). Le traité communautaire devra être ratifié, le cas échéant après autorisation du parlement par une loi ou par le peuple en application de l'article 11 de la Constitution.

 

Autant de verrous nationaux à toute avancée dans la progression de la construction communautaire.

Ajoutons que l'article 88-5 prévoit un verrou supplémentaire puisque tout traité européen portant adhésion d'un nouvel Etat devra être ratifié après autorisation donnée par le peuple par référendum (est visée la Turquie dont l'entrée dans l'Europe devra être approuvée par le peuple français).

 

 

C)    Les représentants de la Nation, c'est-à-dire les parlementaires français doivent être informés de tous les projets ou propositions d'actes communautaires (art. 88-4). C'est un droit à l'information des parlementaires sur les affaires communautaires. Le Parlement fait connaître son opinion par les résolutions qu'il vote.

 

En résumé la constitution française a pris toutes les précautions pour que  l'intégration communautaire ne se réalise pas contre sa volonté et à son insu.

II)   La détermination par la constitution et les juridictions françaises de la place du droit communautaire dans la pyramide des normes

 

 

            Question classique qui a conduit à une réponse convergente des plus hautes juridictions françaises fondée sur trois dispositions constitutionnelles essentielles :

 

-         de l'article 54 Const. résulte la supériorité de la constitution sur le traité communautaire puisque l'autorisation de ratifier ce dernier nécessite la révision préalable de la constitution.

-         l'article 3 de la constitution proclame que la souveraineté nationale appartient au peuple, tout transfert de compétence à l'Europe nécessitant le consentement préalable de la France (art. 88-2). Il s'ensuit que le droit communautaire n'est pas placé au dessus de la constitution.

-         l'article 55 Const. énonce que les traité ont une autorité supérieure à celle des lois.

 

 

A)    Le droit communautaire n'est pas placé au dessus de la constitution de 1958

 

            Il n'existe pas de supraconstitutionalité. Le conseil constitutionnel a rappelé cette solution dans sa décision relative au traité portant constitution pour l'Europe (CC 19 novembre 2004). Le Conseil d'Etat et la cour de cassation ont clairement jugé que les traités fondamentaux européens n'ont pas une autorité supérieure à la constitution (CE 30 octobre 1998 Sarran et Levacher ; Cass. 2 juin 2000 Pauline Fraisse).

Cette solution contredit expressément la jurisprudence de la CJCE selon laquelle aucune disposition de droit interne, fût elle constitutionnelle, ne justifie qu'un acte communautaire ne reçoive pas application sur le territoire d'un Etat membre. La CJCE se reconnaît compétente pour dire si une disposition constitutionnelle d'un Etat méconnaît ou non une liberté fondamentale garantie par le traité (CJCE 12 juin 2003 Schmid Berger).

 

 

B)     Le droit communautaire n'appartient pas au bloc de constitutionnalité

 

  • Solution dégagée par le C. Const. dans la décision de principe du 15 janvier 1975 Interruption volontaire de grossesse. La loi ne peut pas être contestée devant le conseil constitutionnel au motif qu'elle méconnaît un traité. Cette décision renvoie vers les juridictions nationales ordinaires le soin d'apprécier la conventionalité des lois (cette solution a permis les évolutions de jurisprudence de la cour de cassation de 1975 Cafés Jacques Vabre et du conseil d'Etat de 1989 Nicolo).
  • Cette solution se justifie pour deux raisons:

-         dans le préambule de la constitution de 1958, le peuple français ne proclame pas son attachement aux traités institutifs de la constitution européenne ou au droit communautaire comme il le fait à l'égard de la DDHC et du préambule de la constitution de 1946,

-         le bloc de constitutionalité doit être restreint aux règles fondamentales et ne saurait englober les milliers de traités internationaux conclus par la France en matière militaire, de commerce, en matière fiscale, de coopération économique, culturelle etc ...

On pourrait imaginer que seules les grandes libertés reconnues par le Traité de Rome appartiennent au bloc de constitutionnalité. Mais cette solution impliquerait la soumission du bloc de constitutionnalité à ces règles communautaires et la compétence concurrente du conseil constitutionnel et de la CJCE pour examiner la conformité de la constitution française et des lois ordinaires à ces grandes libertés. Ce serait aussi admettre l'existence d'une supraconstitutionnalité constituée par ces libertés fondamentales communautaires.

  • Mais cette solution présente un grave inconvénient. On a pu voir le conseil constitutionnel juger constitutionnelle une loi dont on savait, à l'occasion des débats devant le Parlement, qu'elle méconnaissait le droit communautaire. Quelques années plus tard, le conseil d'Etat l'a jugé inconventionnelle. La même inconventionnalité peut résulter d'un arrêt du juge communautaire. La jurisprudence du conseil constitutionnel en sort discréditée.

 

C)    Le droit communautaire est placé au dessous du bloc de constitutionnalité

 

-         Solution qui résulte de l'article 54 de la constitution prévoyant la révision préalable de la constitution avant toute ratification d'un traité incompatible.

-         Solution appliquée par le conseil d'Etat lorsqu'il est saisi pour avis par le gouvernement, pour savoir si un traité est ou non-conforme à la constitution. Ainsi, dans un avis du 6 juillet 1995, le conseil d'Etat a considéré que la convention portant statut de la cour pénale internationale est contraire aux dispositions constitutionnelles relatives à la responsabilité pénale du président de la République française (le président n'est responsable que pour haute trahison devant la Haute cour de justice, dans les conditions prévues à l'article 68 Const.).

-         Solution retenue aussi par le conseil d'Etat en matière contentieuse dans un arrêt Koné du 3 juillet 1996.

 

 

D)    Le droit communautaire possède une autorité supérieure à celle des lois nationales

 

            Solution qui résulte expressément de l'article 55 Const. de 1958, mais qui a été appliquée tardivement par la cour de Cassation (1975 Cafés Jacques Vabre) et encore plus tard par le conseil d'Etat dans sa révolution communautaire (CE 1989 Nicolo). La raison tient à ce que la loi était considérée, depuis la révolution française, comme la norme placée au sommet de la pyramide des règles et comme étant incontestable.

            Désormais, les juridictions ordinaires appliquent le contrôle de conventionalité. Les lois et règlements nationaux doivent respecter les dispositions des traités (Cafés Jacques Vabre et Nicolo), des règlements communautaires (CE 1990 Boisdet), des objectifs des directives communautaires (CE 1992, Rothmans et Philip Morris), des principes généraux du droit communautaire (CE 3 décembre 2001 Synd. nat. Industrie pharmaceutique).

 

 

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