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  • 1) Objet de la réforme

 

            La réforme du 28 mars 2004 inscrit notamment un nouvel article 72-2 dans la Constitution relatif aux finances locales.

Ce nouvel article est désormais une base constitutionnelle des finances locales. Jusqu'alors, c'était la jurisprudence du conseil constitutionnel qui avait dégagé les règles financières et fiscales applicables aux collectivités locales.

 

  • 2) Inspiration de la réforme

 

            C'est le président du Sénat, Christian Poncelet, qui a proposé cette réforme constitutionnelle des finances locales

-       pour accroître l'autonomie des collectivités locales à l'égard de l'Etat.

 

-       pour surmonter la jurisprudence du conseil constitutionnel sur la libre administration des collectivités territoriales admettant que la loi puisse diminuer les recettes fiscales locales ou accroître les dépenses locales sans compensation venant de l'Etat.

 

-       pour stopper la recentralisation fiscale. On estime que 15 milliards d'euros d'impôts locaux ont été perdus et sont devenus des dotations.

 

  • 3) La mise en œuvre par la LO du 29 juillet 2004

 

            L'article 72-2 de la Constitution renvoie dans chaque alinéa à la loi ordinaire pour mettre en œuvre ses dispositions. Seul l'alinéa 3 renvoie à une loi organique le soin de mettre en œuvre la règle selon laquelle les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivité, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources.

Cette loi organique a été adoptée tardivement, avec beaucoup de difficultés, plus d'un an après la réforme constitutionnelle d'ensemble. C'est la LO du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales (JO du 30 juillet p.13561).

Le travail du pouvoir constituant est décevant :

-       la LO occupe moins d'une page du JO ! Elle ne peut en aucun cas être comparée à la LO du 1er août 2001 relative aux finances de l'Etat.

-       son intitulé est mensonger. Elle ne vise pas l'autonomie financière des collectivités territoriales en général, mais elle se borne à préciser la fameuse part déterminante des ressources fiscales et autres ressources propres dans l'ensemble des ressources locales.

-       Par conséquent, elle ne réforme en aucune manière la fiscalité directe locale des 4 vieilles dont les défauts, les vices sont pérennisés (assiette archaïque, fiscalité foncièrement inégalitaire, manque de pertinence économique, Etat premier contribuable local, déresponsabilisation des élus locaux, fiscalité d'empilement, péréquation indigente ; annonce irréfléchie d'une réforme, voire d'une suppression de la taxe professionnelle et de la suppression de la contribution foncière sur les propriétés non bâties). Observons toutefois que cette fiscalité des 4 vieilles, qui cumule les tares, à un rendement croissant, dû en partie du fait que l'Etat en supporte le quart au lieu et place des petits contribuables locaux (sous forme d'exonérations et de dégrèvements législatifs).

 

  • 4) Portée de la réforme

 

            L'article 72-2 apporte des règles nouvelles relatives aux finances locales sur certains points seulement. Mais la réforme est ambiguë et sera source de complexité. Elle aura certainement des effets pervers.

On peut l'analyser en distinguant deux objets :

  • la protection de la fiscalité locale contre la recentralisation de l'Etat. C'est la question de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales qui est posée.
  • La garantie plus large d'une autonomie budgétaire des collectivités territoriales, concernant les autres ressources ou leurs dépenses.

 

 

I.    La protection ambiguë de la fiscalite locale contre la recentralisation fiscale de l'Etat

 

            Cet objectif de protection est l'obsession des élus locaux et a justifié la réforme constitutionnelle des finances locales. Cette protection est mise en œuvre par la LO du 29 juillet 2004, au moyen d'un ratio dont l'impact pourra se révéler peu favorable aux collectivités locales.

 

A.   A la recherche du ratio

 

1)      Le présupposé idéologique

 

            Protéger la fiscalité locale contre les agressions de l'Etat contre leur diminution relative, leur remplacement par des dotations (aléatoires dans le temps et dans leur montant) a semblé résulter d'une idée simple : la fiscalité locale doit représenter une part déterminante de l'ensemble des ressources locales.

            En effet, beaucoup d'auteurs et d'élus locaux estiment (à tort ou à raison) que l'autonomie budgétaire résulte avant tout d'une fiscalité locale dont les collectivités maîtrisent le taux et donc le rendement. Donc autonomie fiscale et autonomie budgétaire sont, dans cette conception dominante, indissociables.

 

2)      L'extrême complexité du ratio

 

            Le ratio résulte du quotient :

                                      Recettes fiscales + autres ressources propres

                                               Ensemble des ressources locales

 

Mais le numérateur, comme le dénominateur et enfin le ratio soulèvent des difficultés de définition d'une extrême complexité.

  • Les ressources propres doivent être évaluées par catégorie de collectivités, ce qui implique un travail statistique impressionnant. En réalité, la catégorie des communes a été élargie aux EPCI, qui pourtant ne sont pas juridiquement des collectivités territoriales.

Reste à définir les ressources propres de chaque catégorie. Or le droit financier n'a jamais utilisé cette notion qui est absolument nouvelle en droit.

            Une définition large a prévalu (comme le voulait le gouvernement). Sont des ressources propres non seulement celles dont les autorités décentralisées fixent le taux mais aussi celles dont la loi détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette (cette dernière formule est sibylline).

Mais il est difficile de distinguer clairement un impôt local (ressource propre) d'une dotation (qui n'est pas une ressource propre).

Par exemple, un impôt partagé entre l'Etat et les collectivités locales doit entrer, pour cette dernière fraction, dans la catégorie des ressources propres. Cependant, il faut attendre le vote de la loi de finances pour 2005 pour connaître le partage d'impôts. Les régions vont bénéficier d'une part de la TIPP et les départements se verront affecter une fraction du produit de la taxe sur les conventions d'assurances des véhicules terrestres à moteur. Sur chacun de ces impôts, sera prélevé une part allouée à ces collectivités pour compenser le coût des compétences transférées. S'agit-il d'une ressource propre ou d'une dotation de l'Etat, les dotations n'étant pas des ressources propres ? Ce n'est que plus tard que la loi autorisera les collectivités à voter le taux de ces impôts dans certaines limites.

Ne sont pas des ressources propres les dotations, les subventions entre collectivités territoriales, les aides européennes, ainsi que les emprunts.

 

  • L'ensemble des ressources locales soulève aussi des difficultés de définition, parce qu'on ne doit pas y inclure toutes les ressources locales !

            En effet, n'entrent pas dans cette catégorie

-       les emprunts locaux (car sujets à de fortes variations dans le temps)

-       les transferts financiers entre collectivités d'une même catégorie

-       les transferts versés par l'Etat au titre des expérimentations.

D'où un travail délicat de requalification et d'évaluation. Ainsi, la DSC (dotation de solidarité communautaire) est inscrite dans les comptes des communes parmi les recettes fiscales parce qu'elle est en réalité un reversement de taxe professionnelle communautaire aux communes. Mais, pour le calcul du ratio, c'est un transfert financier entre collectivités d'une même catégorie (donc à exclure de l'ensemble des ressources).

 

  • Evaluation et réajustement du ratio

à Il doit représenter une part déterminante. Mais on ne possède aucune définition objective (45%, 50% ?). Le gouvernement s'en était tiré par une tautologie (la part déterminante est celle qui garantit la libre administration des collectivités locales), qui a été censurée pour inintelligibilité et manque de précision par le conseil constitutionnel.

            La situation est à la limite de l'absurde. Pendant des années, le conseil constitutionnel a refusé de censurer les lois recentralisatrices supprimant tout ou partie d'impôts locaux au motif qu'elles ne mettaient pas en péril la libre administration des collectivités territoriales (principe constitutionnel devenu coquille vide !). La LO reprend littéralement l'expression même utilisée par le conseil constitutionnel, qui, pour la première fois, la censure pour inintelligibilité ! Le conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 juillet 2004 (n°2004-500DC, JO p.13562) a censuré ce qu'il a jugé lui-même pendant plus de 30 ans parfaitement conforme à la constitution, en dépit des critiques des élus locaux et des juristes. Cette censure s'explique certainement par la mauvaise humeur du conseil auquel le gouvernement qui refusait une fois de plus d'engager, demandait une fois encore de valider une expression inintelligible !

 

à Le ratio, par catégorie de collectivité, ne saurait être inférieur à celui de 2003... qu'on ne connaît pas encore ! (donc un cliquet anti-recul à définir)

 

à En cas de baisse de ce ratio, un rétablissement doit intervenir dans un délai qui a été ramené par les parlementaires à 2 ans alors qu'il était fixé à 3 ans par le gouvernement.

 

 

B.    Les effets pervers du ratio

 

  • Il apparaît que le ratio risque d'entraîner des inégalités et le maintien des situations existantes. En particulier, l'Etat n'a pas intérêt à accroître le nombre et le montant des dotations aux collectivités territoriales car mécaniquement le ratio va diminuer !

            Ce qui signifie que le développement des dotations de compensation ou des dotations de péréquation est compromis. L'Etat doit financer à la fois par de la fiscalité transférée et par des dotations, en surveillant les ratios. L'Etat pourrait être tenté d'invoquer la garantie du ratio pour refuser de verser des dotations et subventions, ce qui serait un comble ! Cela reviendrait à dire que c'est à l'impôt local de financer les dépenses locales, et c'est peut être la justification juridique la plus habile du désengagement de l'Etat.

 

  • L'Etat peut indirectement manipuler le ratio en se désengageant, et en conservant l'illusion de la protection de l'autonomie fiscale.

            Par exemple, l'Etat peut réduire le taux de la TVA, ou réduire les restitutions de TVA, réduisant ainsi les ressources FCTVA. Résultat = le ratio s'accroît parce que les ressources d'ensemble diminuent.

 

            En définitive, la pratique et la jurisprudence devront dissiper ces ambiguïtés, éloquentes sur la sincérité de l'Etat.

 

 

 

II.La garantie problématique d'une autonomie budgétaire des collectivités territoriales

 

            Ce sont les autres dispositions codifiées à l'article 72-2 de la constitution, qui n'appellent pas une application par des lois organiques.

C'est donc au moyen de lois ordinaires que les dispositions de cet article d'inégale valeur, seront mises en œuvre.

 

A.   Absence de novation dans le rôle dévolu à la loi dans les finances locales

 

            Parfaite continuité, tirée de la primauté de la loi sans règle constitutionnelle protectrice dans :

-       la libre disposition des ressources locales (alinéa 1) : mais ce principe est illusoire car subsistent, de par la volonté de la loi, les dépenses obligatoires, le caractère d'intérêt local des dépenses facultatives, les dépenses interdites, de l'équilibre réel des dépenses etc.

-       l'affectation aux budgets locaux d'impôts d'Etat et le pouvoir fiscal délégué par la loi (alinéa 2). A l'Etat de décider dans les lois de finances à venir.

-       la péréquation (alinéa 5) dont il est simplement dit qu'elle sera mise en œuvre par la loi. Aucune novation par rapport à l'état du droit existant.

 

B.    Constitutionnalisation du principe d'exacte compensation des charges résultant des compétences transférées

 

            C'est l'alinéa 4 qui inscrit dans la constitution de 1958 ce principe établi par la loi du 7 janvier 1983, et qui n'avait pas été appliqué par l'Etat. La formulation est imprécise. Le juge constitutionnel devra préciser ce que sont les ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à l'exercice des compétences qui ont été transférées (évaluation sur combien d'années précédant le transfert ?).

 

 

 

            En définitive, cette réforme fiscale et budgétaire très complexe inscrite dans la constitution ne garantit pas davantage d'autonomie au bénéfice des collectivités territoriales.

 

 

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