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-       Avec l'apparition en 1958 et le développement du contrôle de constitutionnalité des lois, les sources de toutes les disciplines sont des sources constitutionnelles. C'est vrai pour le droit des collectivités locales, comme pour les sources du droit pénal, du droit administratif, du droit commercial etc.

 

-       L'article 1er de la Constitution de 1958 dispose notamment que la France est une République indivisible et que son organisation est décentralisée. Le titre XII de la Constitution, intitulé Des collectivités territoriales, leur est entièrement consacré. Il en résulte que la France n'a pas et ne pourrait pas avoir une structure fédérale. C'est un Etat unitaire décentralisé, dont la constitution reconnaît la place des collectivités territoriales, mais elles demeurent toujours dans une situation de subordination, de dépendance à l'égard de l'Etat. Par ailleurs, à cette inégalité entre Etat et collectivités territoriales, la constitution autorise des différences de traitement, des inégalités, entre collectivités territoriales elles-mêmes.

 

-       Le statut constitutionnel des collectivités territoriales a été complété et précisé par la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, qui a réécrit notamment les articles du titre XII de la Constitution de 1958.

 

 

 

I.        La dépendance des collectivités territoriales à l'égard de la loi

 

            La Constitution de 1958 établit à la fois une règle de compétence législative de principe et des règles de fond visant les collectivités territoriales. Dans les deux cas, il est renvoyé à la loi. C'est paradoxal car c'est la loi qui met en œuvre les règles constitutionnelles alors que ces dernières devraient s'imposer à la loi.

 

A.   La compétence législative de principe pour la définition du statut des collectivités locales

 

-       L'article 34 de la Constitution confie à la loi le soin de déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources. Il appartient donc à la loi de fixer les règles principales, les dispositions essentielles, les mesures d'application relevant du pouvoir réglementaire du Premier ministre. Si les collectivités locales disposent, depuis longtemps, d'un pouvoir réglementaire, qui a été confirmé par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (art. 72 alinéa 3) c'est toujours en application de la loi, et l'intervention du pouvoir réglementaire national n'est jamais exclue.

 

-       A de multiples reprises, les articles 72 et s. de la constitution renvoi est à la loi ordinaire le soin de définir les conditions du statut des collectivités locales. C'est l'application pure et simple du principe de légalité, c'est-à-dire de soumission des administrations au droit et au juge. On a pu assimiler le principe de libre administration, non pas à un principe de liberté mais à un principe de compétence législative.

 

Ainsi, le législateur peut :

-       créer des collectivités territoriales uniques (la Corse, Mayotte).

-       supprimer une ou des collectivités territoriales.

-       modifier les règles applicables aux collectivités territoriales même en cas de convention passée entre l'Etat et les collectivités territoriales (C. Const. 19 juillet 1983, décision n°83-160 DC, §5).

-       imposer des obligations nouvelles aux collectivités locales en réduisant leur autonomie, y compris sur le plan budgétaire et fiscal.

-       transférer des compétences aux collectivités, y compris des compétences relevant du domaine de la loi s'agissant des collectivités d'outre-mer de l'article 74 de la Constitution.

-       leur transférer des compétences expérimentales, de droit commun (art. 37-1) ou dérogatoire (art. 72 al.4) sous certaines conditions pour ces dernières (conditions prévues par un loi organique, définition de ces compétences dérogatoires par la loi, délégation interdite lorsque sont en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique, objet et durée limités de ces compétences dérogatoires).

-       faculté pour le législateur d'instituer une collectivité chef de file (art. 72 al.5).

-       décider d'un référendum relatif à la création d'une collectivité territoriale ou visant à modifier les limites de collectivités territoriales.

-       transférer une fiscalité d'Etat aux collectivités territoriales et les autoriser à fixer le taux (art. 72-3 al.2).

-       fixer les règles entourant les dépenses locales (art. 72-3 al.1).

-       déterminer la péréquation afin de réduire les inégalités entre collectivités territoriales (art. 72-3, dernier alinéa).

 

            En résumé, le pouvoir décisionnel du législateur est omniprésent et extrêmement large.

 

B.    Le statut constitutionnel des collectivités territoriales

 

            La Constitution de 1958 énonce dans son titre XII des règles de fond qui visent la reconnaissance des collectivités territoriales, leurs compétences et leurs ressources, et la démocratie locale. Il est toujours renvoyé à la loi pour l'application de ces règles constitutionnelles.

 

1)      La reconnaissance constitutionnelle des collectivités territoriales

 

            L'article 72 énumère les catégories de collectivités territoriales (les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d'outre-mer). Mais la loi peut créer d'autres collectivités et le cas échéant, elle peut supprimer certaines d'entre elles. Les collectivités territoriales n'ont aucun droit à être pérenniser, à exister, le législateur pouvant toujours modifier la structuration territoriale française.

 

 

 

2)      Reconnaissance constitutionnelle des compétences et des ressources propres des collectivités territoriales

 

  • La constitution ne mentionne pas la notion d'affaire locale et se borne à évoquer vaguement la notion de subsidiarité (art. 72 al.2). Ici encore c'est l'Etat qui décide des compétences qu'il attribue aux collectivités, celles-ci n'ayant qu'une vocation à les exercer.

Ces compétences peuvent présenter un caractère expérimental (art. 37-1). Elles peuvent aussi déroger, à titre expérimental et sous certaines conditions, aux règles législatives et réglementaires qui leur sont normalement applicables (art. 37 al.4 Const.).

            A noter que les compétences prévues par la constitution sont définies beaucoup plus largement pour les départements, régions et collectivités d'outre-mer que pour les collectivités de métropole.

            Départements et régions d'outre-mer peuvent être habilités par la loi à adapter les règles nationales, pour tenir compte des contraintes et caractéristiques particulières, dans des domaines définis par la loi (art. 73). Les collectivités d'outre-mer (anciens territoires d'outre-mer) peuvent bénéficier de transferts de compétences de l'Etat, dans le domaine de la loi (art. 74). La notion d'affaire locale n'est pas homogène. La Nouvelle-Calédonie bénéficie de transferts de compétences dans le domaine de la loi et son assemblée territoriale adopte des lois de Pays qui relèvent du contrôle du conseil constitutionnel. Le pouvoir réglementaire local est expressément reconnu, mais il existait déjà (art. 72 al.3). Enfin, l'exercice des compétences est placé sous le contrôle du représentant de l'Etat, conformément au principe de la décentralisation (art. 72 dernier alinéa).

 

  • Le financement des compétences fait l'objet d'un nouvel article 72-2 issu de la réforme du 28 mars 2003.

            Il s'agit toujours de compétences ou de prérogatives budgétaires placées sous la dépendance de la loi. La dépense locale est effectuée dans les conditions fixées par la loi (aucune modification du droit antérieur). Les collectivités territoriales peuvent disposer d'un pouvoir fiscal délégué, toujours dans les conditions fixées par la loi. L'article 72-3 vise à faire obstacle à la recentralisation fiscale (remplacement de tout ou partie d'impôts locaux par des dotations versées par l'Etat), sans définir de seuil objectif (les ressources propres des collectivités doivent représenter pour chaque catégorie de collectivité, une part déterminante de leurs ressources totales). Le même article constitutionnalise la règle législative méconnue de l'exacte compensation financière par l'Etat du coût des compétences transférées. C'est probablement la seule garantie nouvelle pour les collectivités territoriales, le conseil constitutionnel paraissant veiller à l'application scrupuleuse de l'exacte compensation.

Enfin, le dernier alinéa de l'article 72-3 renvoie à la loi le soin d'établir des péréquations financières entre collectivités, afin de réduire les inégalités entre collectivités.

 

3)      La garantie constitutionnelle de la démocratie locale

 

            La Constitution de 1958 établit le principe de la démocratie représentative, mais introduit timidement des éléments de démocratie participative, afin de sensibiliser les citoyens à la démocratie locale.

 

  • Les collectivités territoriales sont administrées par des conseils élus (art. 72 al.3). Le conseil constitutionnel a jugé que l'assemblée délibérante doit émaner du suffrage universel et qu'elle doit exercer des attributions effectives (v. respectivement, décision n°92-308 DC du 9 avril 1992 et décision n°85-196 DC du 8 août 1985). Les élections locales doivent intervenir selon une périodicité raisonnable, des modifications exceptionnelles et limitées pouvant être décidées par la loi relativement à la durée des mandats, si la nécessité est établie. Le conseil a aussi jugé que les circonscriptions électorales doivent avoir des bases démographiques è il importe de réduire les inégalités démographiques en proportionnant le nombre d'élus à la population.

 

  • A cette démocratie représentative solidement établie, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 ajoute des éléments de démocratie participative :

-  reconnaissance d'un droit de pétition au bénéfice des électeurs de l'ensemble des collectivités, exercé auprès des autorités locales élues qui donneront ou non une suite à la pétition.

-  Institution du référendum local dans deux hypothèses (d'initiative locale sur des questions locales ; d'initiative législative en cas de création d'une collectivité territoriale ou de modification des limites territoriales).

C'est une institution nouvelle, visant toutes les catégories de collectivités, et qui laissent subsister les avis consultatifs de la population existant antérieurement, et qui sont maintenus.

 

 

            En définitive, la constitution définit le statut des collectivités territoriales en donnant compétence au législateur. En même temps, la constitution reconnaît expressément les inégalités entre collectivités territoriales.

 

 

 

II.     La reconnaissance constitutionnelle des inégalités entre collectivités territoriales

 

            Notre tradition administrative étant fondée sur l'uniformité du régime des collectivités territoriales (même définition des catégories, double autorité, délibérante et exécutive, même dépendance à l'égard de l'Etat). La codification des règles applicables dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT) et la création de la fonction publique territoriale vont aussi dans le sens de l'uniformité de régime. Il en découle une égalité entre collectivités, dont l'une des illustrations demeure l'interdiction des tutelles d'une collectivité sur une autre (règle législative codifiée à l'alinéa 5 de l'article 72 de la Constitution).

Toutefois cette uniformité de définition et de régime des collectivités territoriales et l'égalité qui en résulte fait place, dans la constitution, à des différences de statut de plus en plus marquées entre collectivités. La diversité territoriale succède à l'uniformité de régime. Ces inégalités juridiques, voulues par le pouvoir constituant, accentuent les inégalités qui résultaient déjà de la population, du potentiel fiscal, de la richesse économique de la collectivité etc. Ces inégalités entre collectivités génèrent inévitablement des inégalités entre les citoyens de ces mêmes collectivités.

 

            Le législateur peut valablement établir des inégalités entre collectivité :

 

-                    en créant des collectivités uniques et en les dotant de statuts spécifiques (le régime corse par exemple).

 

-                    en transférant aux collectivités d'outre-mer des compétences qui relèvent du domaine de la loi, alors que les collectivités de métropole ne peuvent bénéficier d'un tel transfert. La notion même de collectivité territoriale est transformée. L'article 72-3 de la Constitution dispose que la République reconnaît au sein du peuple français, les populations d'outre-mer. L'article 74 reconnaît les intérêts propres des collectivités d'outre-mer au sein de la République. La notion de peuple français, indivisible, est affaiblie par la reconnaissance de ces populations d'outre-mer, différente de la population de métropole. Est aussi affaiblie la notion de souveraineté nationale indivisible. A l'inverse, le conseil constitutionnel avait censuré l'expression peuple corse, composante du peuple français, au nom de l'indivisibilité du peuple français et de la souveraineté nationale.

 

-                    en transférant aux collectivités de métropole des compétences expérimentales (art. 37-1) et d'autres qui seront dérogatoires (art. 72 al.4), ce qui accroîtra la diversité territoriale.

 

-                    en reconnaissant des collectivités chef de file (art. 72 alinéa 5).

 

-                    en permettant aux assemblées des départements et régions d'outre-mer d'adapter les lois et règlements pour tenir compte de leurs caractéristiques et contraintes particulières (art. 73).

 

-                    en reconnaissant aux délibérations de l'assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie le statut de lois de Pays, soumises au contrôle du conseil constitutionnel, alors que les décisions locales sont toujours des actes administratifs soumis au contrôle de la juridiction administrative, au moyen du recours pour excès de pouvoir.

 

 

            Ainsi, les inégalités affectent très fortement les collectivités métropolitaines entre elles, mais aussi les collectivités d'outre-mer et les collectivités métropolitaines.

            A l'opposé de cette diversité territoriale, source d'inégalités, la réduction des inégalités peut résulter de la péréquation (inscrite sans éclat particulier au dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution) et du découpage des circonspections électorales sur des bases démographiques.

 

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