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Introduction

 

  • Caractère symbolique de la notion de service public en droit administratif : ce serait le critère du droit administratif et le critère de la compétence de la juridiction administrative. Léon Duguit et l'école de Bordeaux ont valorisé la notion de service public (par opposition au critère de la puissance publique retenu par Maurice Hauriou).

 

  • Il est difficile de définir la notion de service public. C'est une activité d'intérêt général (1er élément) prise en charge par une personne publique (2e élément), directement ou indirectement. A défaut de précision dans les textes, la jurisprudence administrative recherche si le législateur a entendu instituer un service public.

            Le service public peut être défini d'une façon organique : des personnes publiques exercent des activités de service public. Mais le droit administratif retient une définition fonctionnelle du service public. Le service public est une activité, une mission qui peut être confiée à des personnes privées (associations notamment) ou à des personnes innomées (les comités d'organisation professionnels de l'arrêt Monpeurt et les ordres professionnels de l'arrêt Bouguen).

La jurisprudence a interprété de façon de plus en plus large la notion de service public. Aux services publics administratifs traditionnels sont venus s'ajouter, à partir de 1921, les services publics industriels et commerciaux (SPIC) avec l'arrêt du Bac d'Eloka ; puis en 1955, le tribunal des conflits a entendu instituer une 3e catégorie de service public, les services publics sociaux dans un arrêt Naliato ; mais cette 3e catégorie de service public a été abandonnée par la jurisprudence.

            Aujourd'hui toutes les activités administratives présentent le caractère d'un service public.

 

            A quoi sert la notion de service public ?

Elle joue un certain rôle, qui reste limité.

 

 

I.        La notion de service public permet de définir les notions cle du droit administratif

 

A.   La réference au service public dans les notions cle du droit administratif

 

            Dans les années 1955-60, le Conseil d'Etat et le Tribunal des conflits ont défini ou redéfini les notions clé du droit administratif par référence à la notion de service public. Ce courant jurisprudentiel a correspondu à une revalorisation de la notion de service public dans le droit administratif.

 

  • Dans l'arrêt Epoux Bertin du 20 avril 1956, le Conseil d'Etat définit le contrat administratif comme le contrat conclu par une personne publique pour l'exécution d'un service public (GA n°74, à propos d'un contrat par lequel l'Etat avait délégué à des particuliers l'hébergement de réfugiés en instance de rapatriement).

 

  • Dans l'arrêt Société le Béton du 19 octobre 1956, le Conseil d'Etat définit le domaine public comme l'ensemble des biens (mobiliers ou immobiliers) des personnes publiques affectés à un service public, pourvu qu'ils soient spécialement aménagés à cet effet (GA n°75).

 

  • Dans les arrêts Effimieff (TC 28 mars 1955) et Grimouard (CE 20 avril 1956, GA n°74) le travail public est défini comme - un travail immobilier

                          - exécuté dans le cadre d'une mission de service public

                          - par une personne publique

                          - pour le compte de particuliers

[Dans l'arrêt Effemieff, il s'agissait d'associations syndicales de reconstruction, qui étaient des établissements publics, qui reconstruisaient les immeubles des particuliers détruits par la guerre et qui les leur remettaient ensuite en pleine propriété. Les quatre conditions permettant d'identifier un travail public ont été jugées remplies.

Dans l'arrêt Grimouard, les services de l'Etat reboisaient des terrains appartenant à des particuliers. C'est un travail public.]

 

  • La décision administrative prise par une personne privée ou par une personne innomée est celle qui est prise dans l'exercice d'une mission de service public (1ère condition) en application de prérogatives de puissance publique (2ème condition).

 

B.    Le recours facultatif au service public pour définir les notions clé du droit administrafif

 

            Mais dans toutes ces définitions, il apparaît que la notion de service public n'est ni exclusive ni indispensable.

 

-       Le service public n'est que l'un des éléments de la définition qui en comporte toujours plusieurs. Par exemple, tout contrat relatif à l'exécution d'un service public n'est pas un contrat administratif. Il importe qu'il soit passé par une personne publique (c'est le critère organique du contrat administratif).

 

-       La plupart des notions clé du droit administratif peuvent aussi être définies sans avoir recours à la notion de service public.

            Par exemple, est un contrat administratif celui qui est passé par une personne publique et qui comporte un élément d'exorbitance (soit une clause, soit le régime exorbitant).

Le travail public peut aussi être défini comme un travail immobilier, exécuté dans un but d'intérêt général, par une personne publique ou pour son compte selon la définition traditionnelle résultant de l'arrêt du conseil d'Etat du CE 10 juin 1921 Commune de Monségur (GA n°38).

 

 

 

 

 

II.     La notion de service public ne permet pas de déterminer le régime applicable

 

            L'utilité de la notion est en effet très réduite, pour deux motifs.

 

A.   La dualité de regime applicable aux services publics

 

            Le régime applicable (de droit public ou de droit privé, avec compétence du juge administratif dans le 1er cas et des juridictions de l'ordre judiciaire dans le 2nd) dépend de la qualification du service public.

 

Ø S'il s'agit d'un service public administratif, il a y prédominance des règles de droit public. Mais le droit privé s'applique aussi (au domaine privé, aux contrats de droit privé, en cas de voie de fait, d'emprise irrégulière, d'accidents causés par les véhicules etc.).

 

            Ø Si le service public est industriel ou commercial, il y a prédominance des règles de droit privé, puisque le service public fonctionne dans des conditions comparables à celles des entreprises privées : les relations avec les usagers sont des relations de droit privé, les agents sont des agents contractuels de droit privé, la responsabilité extra contractuelle obéit aux règles du droit civil etc.

            Mais le droit public s'applique aussi : le directeur et le comptable (quand il a la qualité de comptable public) sont des agents publics (CE 26 janvier 1923 De Robert Lafrégeyre, GA n°39), les contrats passés avec les fournisseurs peuvent être des contrats administratifs s'ils remplissent les conditions précitées etc.

 

            En définitive, il faut qualifier le service public (administratif ou industriel et commercial) pour déterminer le régime applicable et l'ordre de juridiction compétent.

            Or la distinction entre les SPA et les SPIC est très délicate, la jurisprudence se référant à un faisceau d'indices (objet du service, financement, mode d'organisation) à la méthode est impressionniste et n'offre aucune sécurité juridique (nombreux arrêts du tribunal des conflits relatifs à la qualification du service public). Il existe - complexité supplémentaire - des services publics à double visage (à la fois SPA et SPIC comme les ports autonomes, les CCI) et d'autres (mais en voie de disparition) à visage inversé (le décret institutif qualifie un établissement public, tel le FORMA, d'EPIC alors qu'en réalité, c'est un EPA à le juge requalifie l'établissement public).

 

B.    Le nombre réduit de règles communes à tous les services publics

 

  • Les règles communes à tous les services publics (administratifs ou industriels et commerciaux) sont peu nombreuses. Ce sont les lois de Rolland (du nom du professeur qui a systématisé ces règles dans les années 30) : l'égalité, l'adaptation du service, la continuité du service. On peut y ajouter la jurisprudence Dehaene (CE 1950) relative à la réglementation du droit de grève dans les services publics par le chef de service. Mais ces règles sont-elles spécifiques au fonctionnement des seuls services publics ? Ne sont-elles pas inhérentes à toute activité humaine, de caractère économique ou administratif, et aux entreprises privées ?

 

  • Le droit communautaire rapproche davantage encore le régime des services publics de celui applicable aux entreprises privées. Dans le langage communautaire, les services publics sont appelés services d'intérêt économique général. Ces services sont visés par l'article 86 du Traité de Rome (ex art. 90), §2. Cette disposition prévoit que les services d'intérêt économique général ou présentant le caractère de monopoles fiscaux sont soumis aux règles du Traité de Rome, notamment aux règles de la concurrence. A ce principe le même article apporte une dérogation, lorsque l'application des règles de la concurrence ferait échec à l'exercice de la mission particulière de service public qui leur a été impartie.

La CJCE a interprété la dérogation autorisée aux règles de la concurrence, au profit des services publics, dans deux arrêts de principe, Paul Corbeau (19 mai 1993 relatif à la régie des Postes belge) et Commune d'Almelo (du 27 avril 1994, relatif au service de distribution d'électricité). Cette jurisprudence est instructive sur deux points :

-       elle considère que les services d'intérêt économique général, pris en charge directement ou indirectement par une personne publique (régie, établissement public, entreprise publique, délégation de service public) sont ceux qui couvrent des besoins du public que les entreprises privées délaissent. Ce sont des services publics trop coûteux, sujets à des contraintes multiples, économiquement non rentables, soumis à des exigences de qualité, d'égalité, de continuité. On trouve dans la définition communautaire du service d'intérêt économique général la définition étroite du service public, entendu comme le service indispensable à la population qu'aucune entreprise privée ne veut prendre en charge.

-       c'est parce que cette intervention publique est absolument nécessaire qu'elle échappe légalement aux règles de la concurrence, qu'elle est soumise à des règles plus favorables que celles applicables aux entreprises privées. Inversement, les interventions économiques de la puissance dans un secteur marchand où sont en compétition des entreprises privées ne sont pas interdites aux personnes publiques. Elles doivent juridiquement être placées sur un pied de stricte égalité avec les entreprises privées qu'elles concurrencent.

 

            Dans l'arrêt Corbeau, la cour a considéré que la Poste belge pouvait bénéficier d'un régime privilégié, dérogatoire aux règles de la concurrence parce qu'elle est soumise à des obligations de collecte et de distribution sur tout le territoire, à des tarifs uniformes, dans des conditions économiquement non rentables, afin de garantir l'égalité des citoyens devant le service public, la continuité et la qualité du service postal.

Les contraintes tirées de l'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement, le maintien des services publics en milieu rural etc. justifient le maintien des services publics soumis à des règles dérogatoires (situation de monopole, avantages fiscaux, aides d'Etat diverses, etc.). Au sens communautaire, le service public soustrait aux règles du marché, aidé par la puissance publique, devient un service universel, de qualité standard, c'est-à-dire minimum, économiquement non rentable, qu'aucune entreprise privée ne voudrait assumer, soumis à des contraintes pesantes de toutes sortes qui en font une activité nécessaire mais objectivement située en dehors du commerce.

Cette jurisprudence autorise les collectivités locales à intervenir pour satisfaire les besoins de la population en milieu rural, comme le prévoit l'article L 2251-3 du CGCT.

 

            Hormis ces véritables services publics, tous les autres en compétition avec les entreprises privées concurrentes doivent se plier aux règles du marché. Ils ne se distinguent plus des activités commerciales privées. La question n'est plus celle de savoir si les personnes publiques peuvent ou non intervenir, c'est celle de la libre et égale concurrence entre opérateurs publics et privés. Il est évident que si les personnes publiques sont moins performantes dans un secteur concurrentiel, elles abandonneront ces activités de service public au secteur privé.

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