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-       Ce sont deux notions essentielles du droit administratif. Alors que les arrêts du tribunal des conflits et du conseil d'Etat ne se référaient, depuis l'arrêt Blanco, qu'incidemment à cette notion, le service public a été érigé par Léon Duguit en notion fondamentale du droit administratif. Toutes les activités de l'administration sont des services publics (c'est-à-dire des activités d'intérêt général) soumises à un régime exorbitant, dont les contentieux ressortissent à la compétence de la juridiction administrative (équation infirmée par la jurisprudence avec la création des SPIC relevant de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire). Léon Duguit a privilégié cette notion parce que les idées de puissance publique, de souveraineté, développées en droit constitutionnel et administratif, lui paraissaient éminemment dangereuses pour les citoyens.

 

-       Le contrat administratif est une catégorie d'acte juridique de l'administration, à côté des décisions administratives, dont les critères et le régime ont été définis par la jurisprudence.

 

-       Quelles sont les relations entre ces deux notions ? Un contrat passé pour l'exécution d'un service public est-il, pour ce motif, un contrat administratif ? Quel rôle joue la notion de service public dans le régime du contrat administratif ?

 

            La réponse est nuancée. La notion de service public joue un certain rôle dans la définition et le régime du contrat administratif, qu'il ne faut pas exagérer toutefois. On reconnaît là le pragmatisme de la jurisprudence administrative, qui n'a jamais voulu s'enfermer dans un système rigide de valeurs et de règles.

 

 

I.        Le service public, critère non nécessaire ni suffisant du contrat administratif

 

            Contrairement à la théorie de Léon Duguit tout contrat ayant pour objet l'exécution d'un service public n'est pas, de ce seul fait, administratif. Le contrat administratif requiert en effet la réunion de critères organiques et de critères matériels.

Le lien entre les deux notions peut se résumer de la façon suivante.

 

A.   Un contrat ayant pour objet l'exécution d'un service public peut, selon le cas, être ou non administratif

 

 

 

1)      La nécessaire présence d'une personne publique au contrat administratif

 

            Il faut au moins une personne publique au contrat pour que celui-ci présente un caractère administratif (application du critère organique). A défaut, la jurisprudence retient le mandat donné à une personne privée, chargée de représenter la personne publique et d'agir en son nom (pour l'exécution de travaux publics routiers, v. TC 1963 Entreprise Peyrot ; pour l'exécution d'autres travaux dont les SEM sont maîtres d'œuvre ; ou simplement, pour tous les autres contrats, la représentation en vertu d'un mandat donné dans les conditions du droit civil.

 

2)      Le contrat administratif doit aussi réunir des critères matériels

 

            Lorsque le critère organique est satisfait, la jurisprudence recherche si l'un ou l'autre des deux critères matériels requis résulte du contrat (soit le critère de l'exorbitance, tiré de la clause ou du régime ; soit celui de l'exécution du service public. Pour ce dernier v. CE 20 avril 1956 Epoux Bertin, GA n°74, à propos d'un contrat par lequel l'Etat a confié à des particuliers le soin d'héberger des personnes déplacées pendant la 2e guerre mondiale en vue de leur rapatriement).

 

3)      Le contrat administratif peut avoir ou non un lien avec le service public

 

            En effet, la notion de service public n'est que l'un des éléments constitutifs de la notion de contrat administratif. Elle peut être utilisée pour définir le contrat administratif, mais on peut aussi se dispenser d'y recourir. Par conséquent, à elle seule, la notion de service public ne permet pas d'identifier le contrat administratif :

  • le contrat administratif peut être défini sans aucune référence au service public (ex : un contrat passé par une personne publique et comportant une clause exorbitante).

 

  • un contrat qui se rapporte directement au service public et qui est passé par une personne publique peut être un contrat de droit privé. C'est le cas des contrats conclus par les personnes publiques gérant une SPIC avec les usagers dans la mesure où la jurisprudence a entendu instituer un bloc de compétence judiciaire en matière de SPIC.

 

  • les marchés passés en application du code des marchés publics pouvant être des contrats de droit privé. Avant la loi MURCEF du 11 décembre 2001 qui confère le caractère de contrats administratifs aux marchés passés en application du code des marchés publics, le tribunal des conflits a jugé qu'un marché de fournitures passé par une personne publique est un contrat de droit privé s'il ne contient aucune clause exorbitante du droit commun et s'il ne fait pas participer la personne privée à l'exécution du service public (TC 24 février 2003 Hawrylyszyn DA 2003 n°148).

 

B.    Application des critères du contrat administratif aux contrats ayant pour objet l'exécution du service public

 

            Il convient de définir les marchés publics, les contrats de délégation de service public, les marchés d'entreprise de travaux publics (METP) et les partenariats public-privé (PPP).

 

1)      Les marchés publics sont désormais dans tous les cas des contrats administratifs

 

            L'article 1er du code des marchés publics du 7 mars 2001 et de celui du 7 janvier 2004 (en vigueur depuis le 10 janvier 2004) dispose que "les marchés publics sont des contrats conclu à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public... pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, fournitures ou de services". Les personnes publiques qui passent des marchés publics sont énumérées à l'article 2. Il s'agit de l'Etat, de ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel ou commercial, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

            L'article 2 de la loi MURCEF dispose que "les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs".

Cette solution législative rend caduque la jurisprudence antérieure dégagée par la cour de cassation et par le tribunal des conflits selon laquelle les marchés publics pouvaient être des contrats de droit privé. Dans un arrêt Sté Locunivers du 17 décembre 1996, la cour de cassation a jugé que la soumission d'un contrat aux dispositions du code des marchés publics ne lui confère pas, par elle-même, le caractère d'un contrat administratif (DA 1997 n°122). Cette solution a été adoptée par le tribunal des conflits par deux arrêts du 5 juillet 1999 (Commune de Sauve c. Sté Gestener et UGAP c. Sté Activ SA) puis dans deux autres décisions du 14 février 2000 (Commune de Baie-Mahault et Crédit Lyonnais c. EDF).

Cette jurisprudence appliquait aux marché publics passés entre une personne publique et une société privée les critères matériels du contrat administratif, fondés sur l'exorbitance et l'exécution du service public. A défaut de constater la présence de l'un ou l'autre de ces critères matériels, le marché conclu selon les règles du code des marchés publics pouvait être un contrat de droit privé. C'était une solution curieuse mais cohérente, puisqu'elle reposait sur l'application des critères jurisprudentiels du contrat administratif.

            La loi MURCEF a créé un bloc de compétence au profit du juge administratif en matière de marchés publics.

 

2)      Les contrats de DSP sont des contrats administratifs par application des critères jurisprudentiels et légaux

 

            La DSP est un contrat administratif par application des critères jurisprudentiels. La DSP est un contrat par lequel la personne publique délégante confie à une personne privée l'exécution d'un service public, le délégataire se rémunérant substantiellement par des recettes issues de l'exploitation (ce critère fondé sur la rémunération permettant de distinguer la DSP du marché public, qui donne lieu au paiement d'un prix versé par la personne publique ; v. sur ce critère CE 15 avril 1996 Préfet des Bouches du Rhône c. Commune de Lambesc Rec. 137, AJDA 1996 p.729).

            Cette qualification a été expressément confirmée par la loi du 11 décembre 2001 dite MURCEF (portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier). Cette loi définit la DSP qui ne l'avait pas été par la loi Sapin du 29 janvier 1993 soumettant les DSP à des obligations de publicité et de concurrence. "Une DSP, énonce la loi MURCEF, est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service". En conséquence, sont des DSP :

  • les contrats de concession de service public, par lequel la personne publique concédante confie au concessionnaire (personne privée ou publique) qu'elle a librement choisi pendant une durée déterminée, l'exécution du service.

Le concessionnaire supporte les risques de l'exploitation, et il est rémunéré par des redevances versées par les usagers du service. Souvent le concessionnaire est aussi chargé de construire les ouvrages nécessaires à l'exécution du service. La concession porte alors à la fois sur les travaux publics et sur le service public.

 

  • l'affermage est une DSP qui présente le caractère d'un contrat administratif. La personne publique réalise et finance les investissements, puis choisit librement, au terme d'une publicité et d'une concurrence imposée par la loi Sapin, le fermier. Celui-ci assure le service public, en percevant les redevances payées par les usagers, et il verse une redevance à la personne publique délégante. La différence entre cette redevance et les recettes tirées de l'exploitation du service constitue la rémunération du fermier.

 

            En revanche, ne sont pas des délégations de service public :

-      les METP (marchés d'entreprise de travaux publics), définis ci après, alors qu'ils ont aussi pour objet de faire assurer par le cocontractant la gestion d'un service public.

 

-      les contrats de gérance, qui confient également au cocontractant la gestion du service public. Mais la gérance, comme le METP n'est pas une délégation si le gérant est rémunéré par un prix (CE 7 avril 1999 Commune de Guilherand-Granges). Ce sont deux marchés publics, soumis aux règles spécifiques du code des marchés publics.

 

-      les contrats de régie intéressée. Ils confient au cocontractant la gestion du service mais la rémunération du régisseur dépend, non pas des bénéfices qu'il a réalisés, mais d'autres résultats : les économies réalisées, l'extension du service, l'amélioration de la qualité, les gains de productivité. La régie intéressée est un contrat administratif, plus précisément un marché public (et non une DSP), eu égard à la rémunération du régisseur.

 

L'intérêt de la distinction est évident dans la mesure où la passation d'un marché public est soumise à des règles spécifiques et beaucoup plus rigoureuses que celles applicables aux délégations de service public. La DSP est soumise aux règles de publicité et de concurrence en application de la loi Sapin du 29 janvier 1993, mais la personne publique délégante choisit librement son délégataire (cette liberté est justifiée par la confiance que porte le délégant à la personne privée délégataire d'un service public)

 

3)      Les METP sont des contrats administratifs et non des DSP

 

            Les marchés d'entreprise de travaux publics (METP) sont aussi des contrats administratifs par application des critères jurisprudentiels. Le contrat confie au cocontractant de la personne publique la réalisation d'un ouvrage public et son exploitation. L'entrepreneur est rémunéré par un prix versé par la collectivité. Dans un arrêt du 8 février 1999, Préfet des Bouches du Rhône c. Commune de la Ciotat, le conseil d'Etat a jugé que le paiement du prix ne pouvait être différé, ce qui a mis un terme au développement des METP. Le METP est donc un marché public, et non une DSP. Les arrêts dans lesquels le conseil d'Etat a dégagé le critère de la DSP reposant sur la rémunération substantiellement tirée de l'exploitation, étaient des METP qui, pour cette raison, n'ont pas été rangés dans la catégorie des DSP.

 

4)      Les PPP sont des contrats administratifs confiant au cocontractant la réalisation des ouvrages

 

            Les contrats de partenariat public-privé ont été instituées par l'ordonnance du 17 juin 2004. Ils sont définis comme des contrats administratifs par lesquels une personne publique confie à un tiers le financement et la réalisation d'investissements, d'ouvrages, d'équipements, comprenant aussi leur entretien, leur maintenance, leur exploitation, leur gestion. Le cocontractant est rémunéré par un prix pendant toute la durée du contrat.

            Ainsi, le PPP est un contrat administratif qui a un objet beaucoup plus large que le marché public de travaux ou de fournitures. Il n'est pas une délégation de service public, compte tenu de son objet (le contrat ne confie pas l'exécution du service public au cocontractant), ni par son mode de rémunération.

 

II.     Le service public, fondement du régime des contrats administratifs

 

            Le rôle dévolu à la notion de service public apparaît ici déterminant à deux ponts de vue :

-  la notion de service public fonde les prérogatives appartenant à l'administration contractante dans l'exécution du contrat administratif

-  elle autorise les tiers à attaquer pour excès de pouvoir les clauses réglementaires du contrat, relatives à l'organisation du service, qui sont pour cette raison détachables du contrat lui-même.

 

A.   Les prérogatives de l'administration cocontractante justifiées par la bonne exécution du service public

 

            Le régime du contrat administratif repose sur l'inégalité des parties. Cette inégalité est illustrée par les prérogatives qu'exerce l'administration contractante, pour la bonne exécution du service public. C'est un élément remarquable de la spécificité du contrat administratif, par rapport aux contrats de droit privé fondés sur l'égalité des parties et l'intangibilité du contrat. Cependant, cette inégalité des parties donne lieu à l'indemnisation financière du cocontractant personne privée, lorsque des sujetions nouvelles lui sont imposées, en application du principe de l'équilibre financier du contrat.

 

1)   En application de la théorie de l'imprévision, l'administration contractante a l'obligation d'aider financièrement le cocontractant à exécuter le contrat lorsqu'un événement imprévisible et étranger à la volonté des parties a provoqué le bouleversement de l'économie du contrat. Son exécution est compromise, mais reste possible (différence avec la force majeure).

Les parties sont tenues de rechercher si et comment le contrat peut être adapté à l'état d'imprévision afin que le service public soit assumé. Le contrat doit subsister et l'administration contractante devra verser une indemnité au cocontractant placé dans une situation difficile (CE 30 mars 1916 Cie Générale d'éclairage de Bordeaux, GA n°31, à propos de la hausse du prix du charbon pendant la 1ère guerre mondiale qui a conduit la ville de Bordeaux et la Cie d'éclairage au gaz à renégocier le contrat, chaque partie consentant des efforts pour exécuter le service public.

 

2)   L'administration dispose d'un pouvoir général de modification unilatérale du contrat administratif, alors même (comme c'est le cas pour toutes ses prérogatives en ce domaine) qu'il n'aurait pas été prévu au contrat, pour l'adapter aux besoins du service. Le cocontractant a droit d'être indemnisé des charges supplémentaires qui en résultent (CE 10 janvier 1902 Cie Nouvelle du Gaz de Deville-lès-Rouen GA n°9, reconnaissant à la commune le pouvoir d'obliger le concessionnaire de l'éclairage au gaz à assurer désormais l'éclairage électrique, afin d'adapter le service public au progrès technique ; CE 11 mars 1910 Compagnie Générale française des tramways, GA n°22 reconnaissant au préfet, agissant au nom de l'Etat, personne publique délégante, le pouvoir de modifier le contrat du concessionnaire, chargé du service public de transport en tramway, afin d'assurer, dans l'intérêt du public, la marche normale du service).

 

3)   L'administration peut résilier unilatéralement le contrat dans l'intérêt du service, c'est-à-dire pour des motifs d'intérêt général, même en l'absence de clause du contrat en ce sens (CE 2 mai 1958 Distillerie de Magnac-Laval, Rec. 246).

C'est une hypothèse différente de la résiliation du contrat par l'administration à raison d'une faute commune par le cocontractant dans l'exécution du contrat.

 

B.    Le caractère réglementaire des clauses du contrat relatives à l'organisation et au fonctionnement du service public

 

            Les contrats passés par l'administration établissent des droits et des obligations à la charge des parties, mais intéressent aussi le public lorsque le contrat est relatif à l'organisation et au fonctionnement du service public.

Aussi le conseil d'Etat juge-t-il que certaines clauses des contrats, tels ceux qui confient au cocontractant l'exécution du service public au profit des usagers, ne sont pas seulement des stipulations contractuelles, mais sont des dispositions à caractère réglementaire, qui se détachent du contrat. Ces clauses réglementaires peuvent être attaquées par la voie du recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative par les usagers du service, qui sont des tiers par rapport au contrat. De la sorte, les usagers du service public pourront invoquer l'illégalité de ces clauses relatives au service public (CE 10 juillet 1996 Cayzeele Rec. 274).

 

 

 

            En définitive, la notion de service public ne permet guère d'identifier le contrat administratif, mais inspire profondément son régime, dans le sens de la continuité et de l'adaptation aux besoins du public.

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