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  • L'administration est soumise à des règles de droit public et de droit privé. Les autorités administratives (de l'Etat, des collectivités locales, des établissements publics) prennent elles aussi des actes (des décisions ou des contrats) qui peuvent, selon le cas, relever d'un régime de droit public ou d'un régime de droit privé. Selon le régime applicable, les juridictions de l'ordre administratif ou de l'ordre judiciaire seront compétentes pour statuer sur le litige, et pour définir le régime applicable (en vertu du principe selon lequel la compétence suit le fond, dégagé par l'arrêt du TC du 8 février 1873 Blanco).

            Cette dualité de règles a toujours existé. Au 19ème siècle, les actes de l'administration étaient rangés, soit parmi les actes de gestion, relevant du droit civil, soit parmi les actes d'autorité, soumis à un régime exorbitant et à la compétence du ministre-juge. Les juridictions de l'ordre judiciaire, statuant en matière civile, commerciale, pénale et prud'hommale sont des juges à part entière de l'administration. Le doyen Jean-Marie Auby définissait d'ailleurs le droit administratif comme l'ensemble des règles applicables à l'administration, de droit public et de droit privé.

 

  • On distingue traditionnellement deux catégories d'actes juridiques, selon qu'ils procèdent d'une seule volonté (la décision) ou d'un accord de volonté (le contrat).

Pour qualifier la décision ou le contrat d'acte de droit public ou d'acte de droit privé, deux critères peuvent être utilisés, séparément ou cumulativement.

On peut d'abord considérer l'auteur de l'acte, qui peut être une personne publique ou une personne privée. Ce critère dit organique doit être précisé lorsque, par définition, le contrat résulte d'un accord de volonté de deux ou de plusieurs personnes.

On peut ensuite prendre en compte le contenu de l'acte, qui se rattache aux notions-clé du droit administratif (le service public, la puissance publique) ou du droit privé (l'égalité des parties à l'acte, la gestion privée). Ce critère est dit matériel.

            Les critères organiques et matériels ont été combinés, associés par le tribunal des conflits, le conseil d'Etat, la cour de cassation, pour qualifier les actes, pour savoir s'ils sont de droit public ou de droit privé.

Les solutions sont complexes et différentes selon que l'acte est une décision ou un contrat.

 

 

 

I.        L'association des critères organiques et matériels permettant d'identifier la décision administrative

 

            La jurisprudence considère depuis toujours qu'une décision administrative, relevant d'un régime de droit public et susceptible de recours pour excès de pouvoir, peut être prise indifféremment par les autorités d'une personne publique ou d'une personne privée.

Le critère organique est privilégié lorsque la décision émane d'une personne publique (l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics, les autorités administratives indépendantes). Les critères matériels sont retenus lorsque la décision émane d'une personne privée.

 

A.   Primauté du critère organique pour l'identification des décisions administratives prises par des personnes publiques

 

1)   Lorsque les personnes publiques prennent des décisions, à portée générale (les décrets, les arrêtés) ou individuelle (une nomination par exemple) la décision est présumée administrative. Elle est présumée relever d'un régime de droit public. La raison tient à ce que la décision est l'expression d'une prérogative de puissance publique, la décision qui procède de la seule volonté de l'administration s'imposant à ses ou à son destinataire. C'est cette notion de puissance publique inhérente à la décision administrative qu'exprimaient les actes qualifiés d'autorité au 19ème siècle (avant que l'arrêt Blanco n'abandonne la distinction entre les actes de gestion et les actes d'autorité).

 

2)   Mais les personnes publiques peuvent, par exception, prendre des décisions de droit privé. Tel est le cas si la décision ne procède pas d'une prérogative de puissance publique ou se rattache à l'idée de gestion privée ou bien encore si elle est prise par les autorités d'un service public industriel ou commercial.

-       Ainsi les décisions non réglementaires prises par une personne publique sont des décisions de droit privé lorsqu'elles se rapportent à la gestion de leur domaine privé. Les décisions accordant ou refusant à des administrés l'autorisation d'occuper une dépendance du domaine privé, ou d'y circuler, ou d'y ouvrir un accès, sont de droit privé. Elles ne mettent en œuvre aucune prérogative de puissance publique, la personne publique se bornant à gérer sa propriété dans les conditions du droit civil, comme le ferait un particulier.

            Toutefois, la jurisprudence juge aussi que certaines décisions relatives au domaine privé sont détachables de sa gestion et sont des décisions administratives de droit public susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Cette tendance s'affirme de plus en plus en jurisprudence, sans qu'aient été dégagés des critères clairs de la détachabilité.

 

-       Les décisions non réglementaires prises par une autorité administrative et relatives à la gestion d'un SPIC sont aussi des décisions de droit privé.

Présentent ce caractère le refus du maire d'autoriser un branchement sur le réseau d'eau potable de la commune ; le refus d'EDF ou de GDF de consentir un abonnement à l'électricité ou au gaz ; les décisions prises par les autorités d'un SPIC relatives à la carrière des agents (qui sont des agents de droit privé en principe, sauf le directeur et le comptable lorsqu'il a la qualité de comptable public ; CE 26 janvier 1923 De Robert Lafrégeyre, GA n°39), se rapportant au recrutement, à l'avancement, aux sanctions disciplinaires etc.).

 

B.    Primauté des critères matériels dans l'identification des décisions administratives prises par des personnes privées

 

-       Aussi étonnant que cela puisse paraître, notre droit admet depuis longtemps, et sans difficultés, que des personnes de droit privé (associations, notamment), puissent prendre des décisions qui relèvent d'un régime de droit public (et donc qui peuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir).

 

-       Les raisons sont doubles. D'une part, les personnes publiques ont délégué des prérogatives de puissance publique à des personnes de droit privé, pour des raisons d'efficacité, parce que le droit privé est plus souple, et permet d'échapper aux contraintes du droit public (les règles des marchés public, de la fonction publique, de la comptabilité publique). Par exemple les fédérations sportives, qui ont un statut de personnes de droit privé, sont mieux placées que l'Etat pour définir les règles du sport et pour sanctionner les joueurs défaillants ou tricheurs, eu égard au caractère d'intérêt général que présentent les activités sportives. D'autre part, il a été admis depuis le début du 20ème siècle que le service public est une fonction, une activité d'intérêt général, qui peut être confiée à des personnes privées, sous le contrôle des personnes publiques délégantes. C'est ainsi que furent concédées par les villes, au début du 20ème siècle, à des exploitants privés la construction et l'exploitation des lignes de tramways, la distribution du gaz, puis de l'eau l'Etat confia aux sociétés privées (Cie du Nord, de l'Est, la Cie Paris Lyon Méditerranée, la Cie Paris Orléans) la construction et l'exploitation des lignes de chemin de fer avant leur nationalisation en 1938, lorsque les compagnies privées se trouvèrent quasiment en faillite.

 

-       Maurice Hauriou s'était ému, au début du 20e siècle, de ces délégations de puissance publique et de service public aux entreprises privées. Il dénonçait cet amalgame des intérêts économiques et de la chose publique, ce changement dans l'Etat, auquel le secteur privé dérobait la puissance publique.

 

-       Quoiqu'il en soit, les autorités administratives s'entendent désormais comme les autorités des personnes publiques comme des personnes privées, lorsque ces dernières sont investies de prérogatives de puissance publique pour l'accomplissement des missions de service public qui leur sont confiées. Pour qu'une décision prise par une personne privée, à portée générale ou individuelle, présente un caractère administratif, deux conditions (cumulatives) sont requises :

§      il faut que la décision soit prise pour l'exécution de la mission de service public dont la personne privée est investie

§      il faut que cette décision soit édictée en application des prérogatives de puissance publique confiées à cette personne privée.

 

-       En application de ces solutions, sont des décisions administratives susceptibles comme telles de recours pour excès de pouvoir, celles réunissant les deux conditions précitées, émanant

§      d'organismes professionnels ou économiques (CE 13 janvier 1961 Magnier, à propos de syndicats de défense contre les ennemis des cultures ; CE 31 juillet 1942 Monpeurt, à propos des comités d'organisation professionnelle institués par le régime de Vichy), et par les ordres professionnels issus de la même inspiration que les comités professionnels de Vichy

§      d'organismes sociaux (CE 13 mai 1998 Caisse primaire Aide et Protection, GA n°53)

§      des fédérations sportives ou de chasse, de pêche etc.

§      des entreprises publiques (TC 15 janvier 1968 Cie Air France c. Epoux Barbier, à propos d'un règlement interdisant le mariage des hôtesses de l'air pris par le conseil d'administration de la compagnie).

 

            Les solutions sont en définitive complexes et particulières à chaque type d'acte passé par l'autorité de la personne publique ou privée. Il faut aussi observer que la distinction entre la décision administrative et le contrat administratif n'est pas aussi tranchée qu'il y paraît. Ainsi, à l'intérieur d'un contrat, la jurisprudence identifie des clauses réglementaires relatives à l'organisation et au fonctionnement du service public, qui, se détachant du reste du contrat, peuvent être attaquées par la voie du recours pour excès de pouvoir (CE 10 juillet 1996 Cayzeele Rec. 274, AJDA 1996 p.732). La jurisprudence considère aussi que certains contrats placent le cocontractant dans une situation réglementaire, et non contractuelle, tel le contrat de recrutement d'un non-titulaire par une collectivité territoriale (parce que l'agent ne discute pas les clauses du contrat, et parce que le préfet peut former contre ce contrat un déféré préfectoral). Le recours pour excès de pouvoir formé par un tiers contre ce contrat est donc recevable (CE 30 octobre 1998 Ville de Lisieux Rec. 375, AJDA 1998 p. 969). Enfin le déféré préfectoral peut être formé contre des conventions (marchés et délégations de service public), alors que le recours pour excès de pouvoir n'était traditionnellement recevable qu'à l'encontre des décisions administratives.

 

 

II.     Prééminence toute relative du critère organique dans l'identification du contrat administratif

 

            A la différence des critères de la décision administrative, la qualité de l'auteur de l'acte, à savoir une personne publique, joue un rôle majeur pour définir le contrat administratif. Cependant, le critère organique du contrat administratif n'est pas à lui seul suffisant pour entraîner cette qualification.

 

A.   Le caractère en principe nécessaire du critère organique du contrat administratif

 

            C'est la jurisprudence qui a dégagé les conditions permettant d'identifier le contrat administratif.

 

  • Une personne publique est en principe nécessaire pour qu'un contrat présente un caractère administratif.

 

  • Un contrat conclu entre deux personnes publiques est présumé administratif (TC 21 mars 1983 Union des Assurances de Paris AJDA 1983 p.356 concl. D. Labetoulle). Cependant, la jurisprudence écarte cette présomption lorsque le contrat fait naître entre les parties des rapports de droit privé.

 

  • Les contrats conclus par deux personnes privées peuvent présenter, par exception, un caractère administratif. La jurisprudence a dégagé trois hypothèses :

-       lorsque l'une des personnes privées contractantes a conclu le contrat en tant que mandataire d'une personne publique, la notion de mandat étant entendue dans le sens du droit civil.

-       lorsque le contrat passé par une société d'économie mixte avec des entreprises privées a pour objet la construction de routes, d'autoroutes, ou d'un tunnel routier (TC 8 juillet 1963 Société Entreprise Peyrot, GA n°84), parce que ces travaux appartiennent par nature à l'Etat (en réalité, cette motivation n'est pas convaincante).

-       lorsque la société d'économie mixte ccontractante chargée de réaliser des travaux publics en passant des conventions avec des sociétés privées a agi pour le compte d'une personne publique, qui a financé des travaux qui lui seront remis dès leur achèvement (TC 7 juillet 1975 Commune d'Agde Rec. 798).

 

Cependant, la présence d'une personne publique au contrat ne suffit pas à conférer à celui-ci un caractère administratif.

 

B.    La présence d'une personne publique au contrat ne suffit pas à lui conférer un caractère administratif

 

            Pour deux séries de raisons.

 

1)   En premier lieu, à supposer qu'une personne publique soit partie au contrat, celui-ci n'est administratif que s'il remplit aussi l'un ou l'autre des deux critères matériels (c'est-à-dire qui s'attachent à l'objet, au contenu du contrat) :

-       soit il contient une clause exorbitante du droit commun (CE 31 juillet 1912 Granits porphyroïdes des Vosges, GA n°26 à propos de l'achat de pavés par une commune aux termes d'un contrat qui ne comportait aucune clause exorbitante, qui ne prévoyait pas la pose par la société venderesse (absence de travail public), et qui était analogue aux mêmes contrats passés par les particuliers) ; ou, plus largement, s'il est soumis à un régime exorbitant (CE 19 janvier 1973 Rivière du Sant, Rec. 48, AJDA 1973 p.358).

-       soit il présente un lien avec le service public, parce que la personne privée cocontractante en assure l'exécution ou parce que le contrat constitue une modalité d'exécution du service (CE 20 avril 1956 Epoux Bertin, GA n°74, à propos d'un contrat verbal par lequel l'Etat déléguait à des particuliers l'hébergement et la restauration de réfugiés de guerre en instance de rapatriement).

 

2)   En 2e lieu, la jurisprudence a institué un bloc de compétence judiciaire visant les contrats passés par les personnes publiques gestionnaires d'un SPIC avec les usagers de ce service (ex : le contrat conclu entre EDF ou GDF avec les usagers ; le contrat de transport passé entre la SNCF et les voyageurs etc.). Le contrat est un contrat de droit privé même s'il contient une clause exorbitante du droit commun, dès lors que le régime des SPIC est largement fondé sur des règles de droit privé (TC 22 janvier 1921 Bac d'Eloka, GA n°37).

 

 

 

            En définitive, la qualification de l'acte administratif est complexe parce qu'elle exprime la dualité de droits applicable à l'administration et parce que la distinction entre la gestion publique et les intérêts privés s'est notablement atténuée.

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