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            La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen est une déclaration des droits dont le retentissement fut immense dans l'histoire. Elle constate des droits préexistants (et donc ne les crée pas), afin de légitimer la révolution. Elle n'est pas la première, puisque la constitution américaine de 1787 exprimait déjà des droits.

 

            Les droits proclamés sont inaliénables et sacrés, et donc sont naturellement rétablis par l'effet de l'abolition des régimes autoritaires. L'objectif est la simplicité et la pédagogie, comme l'atteste le préambule (la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen doit être comprise par tous les citoyens).

 

            C'est une déclaration solennelle qui symbolise la liberté et l'égalité, le respect de la personne humaine et, sur le plan politique, le libéralisme et la démocratie. Mais compte tenu des évolutions de toutes sortes survenues dans les idées et dans la société depuis deux siècles, est-elle toujours une référence ? Quelle est l'actualité de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ?

 

            Pendant longtemps, elle ne revêtait qu'une valeur idéologique, philosophique.

En effet, la souveraineté de la loi, norme suprême du droit français faisait obstacle à ce que la déclaration des Droits de l'Homme fût une source directe et suprême de droit. Son caractère génial paraissait un faible obstacle à une application directe.

 

            Cette valeur idéologique, philosophique a évidemment été conservée. Mais la Déclaration des Droits de l'Homme a acquis une valeur juridique qui n'a cessé de se renforcer.

 

            Le déclin de la loi dans notre système juridique, l'institution d'un contrôle de constitutionnalité des lois ont contribué à conférer à la Déclaration des Droits de l'Homme la place éminente qui lui revient.

 

 

I.        La déclaration des droits de l'homme et du citoyen établit les principes et les valeurs de la societe contemporaine

 

            Sur le plan idéologique, philosophique, la Déclaration des Droits de l'Homme est toujours restée d'actualité. Elle établit les fondements et les valeurs de la société contemporaine, en réaction contre ceux de l'Ancien Régime, qu'elle abolit.

Elle couvre un champ très large de droits fondamentaux.

Tous les principes qu'elle proclame découlent de la liberté et de l'égalité, qui sont mentionnés dans l'article 1er.

 

A.   Les principes fondés sur la liberté

 

            Le principe de liberté est proclamé aux articles 1, 2 et 4 de la Déclaration, mais d'autres articles appliquent ce principe.

 

1)   La liberté d'opinion ou de conscience est reconnue à l'article 10. Elle est complétée par la liberté d'expression consacrée par l'article 11, avec des limites toutefois prévues par la loi (et la jurisprudence, qui a institué l'obligation de réserve des agents publics). La liberté d'acquérir et de posséder fonde le droit de propriété, proclamé à l'article 17 de la DDHC.

 

2)   Les principes de droit pénal visent à garantir effectivement l'usage de la liberté, et ils ont conservé toute leur valeur à l'époque contemporaine.

L'article 8 établit les principes de la légalité des délits et des peines, la nécessité des peines, la non rétroactivité des lois pénales et le contrôle sur leur application. L'article 9 fonde la présomption d'innocence et se réfère à l'habeas corpus britanniques, excluant les aveux obtenus sous la torture. L'article 7 postule le devoir d'obéissance des citoyens, mais prévoit des garanties de forme et de fond en cas d'interpellation et d'arrestation des citoyens.

 

3)   Des principes politiques nouveaux doivent aussi garantir l'exercice des libertés. Cette référence est nécessaire puisque la Déclaration abolit les institutions l'Ancien Régime.

 

  • C'est désormais la Nation qui est souveraine au lieu et place du monarque de droit Divin. Il en résulte la souveraineté de la loi, acte incontestable dans notre droit jusqu'à l'établissement d'un contrôle de constitutionnalité des lois en 1958 et l'avènement de la primauté du droit communautaire résultant de la construction européenne.

            D'ailleurs seule la loi peut apporter des limites à l'exercice des libertés, ce qui exclut l'intervention du pouvoir réglementaire. Cette primauté de la loi est conforme à notre tradition constitutionnelle républicaine. Elle inspire directement l'article 34 de la Constitution de 1958 définissant des matières nombreuses dans lesquelles la loi fixe les règles ou détermine les principes fondamentaux. L'idée est que la loi ne peut pas être mauvaise puisqu'elle émane des représentants de la Nation, c'est-à-dire du Parlement.

  • La séparation des pouvoirs, inventée par Montesquieu, est érigée en principe fondamental de toute Constitution par l'article 16. C'est une garantie contre l'arbitraire résultant de la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d'une seule personne. Dès lors que les pouvoirs sont séparés, la justice est indépendante, et la garantie des droits est assurée, comme le prévoit l'article 16.
  • La liberté politique implique la règle de la majorité. C'est la raison pour laquelle la loi est présentée comme l'expression de la volonté générale, formule empruntée à Rousseau (art. 6).
  • La DDHC ouvre aux citoyens le droit de concourir personnellement à la formation de la loi, permettant ainsi l'application des procédés de démocratie semi-directe (initiative populaire, veto populaire, droit de pétition, référendums nationaux ou locaux).
  • La force publique est instituée dans l'intérêt général, et non dans l'utilité particulière des gouvernants (art. 12). La DDHC institue également la responsabilité des décideurs publics, dans son article 15, que cette responsabilité soit politique, pénale ou budgétaire. L'exercice du pouvoir doit, dans une société démocratique, s'accompagner d'une responsabilité effective des décideurs.

 

4)   Les principes budgétaires et fiscaux sont les garants du bon fonctionnement d'une société démocratique et de la liberté des citoyens.

L'article 13 établit la notion de budget en faisant le lien entre les ressources publiques (appelées contributions, c'est-à-dire les impôts) et les dépenses publiques. Les dépenses visées sont celles de l'Etat libéral : dépenses d'administration et dépenses régaliennes. La nécessité de l'impôt est proclamée par l'article 14, ainsi que le consentement des représentants de la Nation à l'impôt (ce consentement à l'impôt n'est jamais individuel ; il signifie que les représentants de la Nation accordent chaque année à l'exécutif, l'autorisation de percevoir les impôts) et les autres recettes budgétaires. Dès lors qu'elle est consentie, la perception de l'impôt échappe à l'arbitraire de l'exécutif. Le contrôle des dépenses et des ressources publiques effectué par les citoyens, débouche sur la transparence de la gestion des gouvernants, idée moderne (v. le contrôle de la cour des comptes, la responsabilisation des ordonnateurs prévue par la LO du 1er août 2001 relative aux lois de finances).

 

            La liberté ne saurait exister sans l'égalité, tant les deux principes sont associés depuis la révolution française. Ces deux principes ont valeur juridique.

 

B.    Les principes issus de l'égalite

 

            La DDHC proclame le principe d'égalité en réaction contre les inégalités de toutes sortes qui fondaient l'Ancien Régime. Cette conception est celle qui prévaut aujourd'hui, même si la définition de l'égalité est problématique et si les inégalités perdurent.

C'est une égalité en droits qui est affirmée dans l'article 1er, qui laisse donc subsister des inégalités en fait ou bien des inégalités fondées sur l'utilité commune. L'article 6 établit le principe de l'égal accès aux emplois publics, dont la principale application est le concours comme mode d'accès à la fonction publique (en réaction contre la vénalité et la patrimonialité des charges sous l'Ancien Régime). Ce principe est toujours essentiel dans le droit de la fonction publique français, même si le recrutement direct est prôné par les élus locaux et même si le droit communautaire menace le principe du concours et le système des grandes écoles françaises.

Le principe d'égalité devant l'impôt est affirmé par l'article 13 de la DDHC lorsqu'il énonce que la contribution (c'est-à-dire l'imposition) doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés. Le principe d'égalité devant l'impôt est l'un des principes majeurs de notre système fiscal, mais l'égalité devant l'impôt demeure indéfinissable, comme l'atteste l'expression "en fonction de leurs facultés". Les facultés contributives résultent-elles du montant de revenus, du capital, ou de la dépense ? Impliquent-elles ou non la personnalisation de l'impôt, un taux proportionnel ou progressif, l'interventionnisme fiscal etc. Toutes questions auxquelles aucune réponse claire n'a été apportée. Paul Marie Gaudemet stigmatisait d'ailleurs ce qu'il appelait la grandeur et les misères du principe égalitaire.

 

 

II.     La pleine valeur juridique de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen

 

            La DDHC n'a pas seulement une valeur historique ou philosophique. Elle possède une authentique valeur juridique. C'est une situation relativement nouvelle.

 

 

A.   Le conseil constitutionnel lui a reconnu valeur constitutionnelle

 

-       Depuis la célèbre décision du 16 juillet 1971 Liberté d'association.

            Le conseil constitutionnel juge qu'une loi soumettant à autorisation préalable la constitution des associations méconnaît le PFRLR de la liberté d'association. Ce principe a valeur constitutionnelle dès lors que le préambule de la Constitution de 1958 se réfère expressément à la DDHC et au préambule de la Constitution de 1946, ce dernier mentionnant, sans les expliciter, les PFRLR. Cette décision fonde le bloc de constitutionnalité, incluant notamment, outre la constitution elle-même, la DDHC et le préambule de la Constitution de 1946.

Cependant, tous les principes à valeur constitutionnelle ne résultent pas de la DDHC. Le préambule de la Constitution de 1946 dégage des principes économiques et sociaux (le droit à l'instruction, le droit de grève) ; il mentionne les PFRLR que le conseil constitutionnel et accessoirement le conseil d'Etat vont ensuite identifier. Enfin le conseil constitutionnel va dégager des objectifs à valeur constitutionnelle (OVC), comme l'accessibilité au droit, le pluralisme des moyens d'information etc.

 

-       Le conseil constitutionnel a dû concilier des principes constitutionnels peu compatibles : comme le droit de propriété (art. 17 Droit de l'Homme et du citoyen) et la nationalisation proclamée en 1946.

Il est évident que les principes libéraux de 1789 doivent être conciliés avec les principes économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps proclamés dans le préambule de 1946. Le conseil constitutionnel n'a pas établi de hiérarchie, il opère une conciliation.

 

B.    Le conseil d'etat s'y réfère indirectement ou directement

 

1)      La Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen a été la source de principes généraux du droit de la première génération. V. CE 1959 Syndicats général des ingénieurs conseils.

 

            A partir de 1945, le conseil d'Etat va dégager expressément des principes généraux du droit, compte tenu de l'anéantissement des libertés pendant la 2nde guerre mondiale. Les principes généraux du droit sont des solutions jurisprudentielles particulièrement importantes, dégagées par la juridiction administrative, et qui s'imposent à tous les actes de l'administration, à portée générale ou individuelle (CE 1944 Dame veuve Trompier Gravier, CE 1945 Dame Aramu).

Le conseil d'Etat s'est inspiré des articles de la DDHC pour dégager des principes généraux du droit : liberté de conscience, égal accès aux emplois publics, droits de la défense. Mais bien d'autres principes généraux du droit ne résultent pas de la DDHC, tels ceux de la 2e génération, à caractère économique ou social, que le conseil d'Etat a dégagés à partir de 1973.

 

2)      Depuis 1988, le conseil d'Etat préfère invoquer directement les principes de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen plutôt que les principes généraux du droit traditionnels

 

V. CE 7 décembre 1987 Dame Buret, Rec. 556, à propos de l'égalité des sexes dans la fonction publique. Méconnaît l'article 6 de la DDHC le refus du recteur d'autoriser une enseignante à exercer dans une maison d'arrêt, au motif, jugé entaché d'erreur de droit par le conseil d'Etat, qu'une femme éprouverait des difficultés à assurer la discipline dans des établissements pénitentiaires.

V. CE 2 mars 1988 Blet DA 88 n°250, à propos de l'égal accès aux emplois publics.

Le conseil d'Etat a réalisé la "jonction" du droit administratif et du droit constitutionnel. En effet, le conseil d'Etat fait directement application des principes constitutionnels de la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

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